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Jeu/style/rêve 

 

Dans ma philosophie, je tente d’établir les liens conceptuels entre le style, le jeu et le rêve en empruntant des éléments notamment aux philosophies « non-occidentales » (russe, japonaise et chinoise), à l’architecture et à l’esthétique du cinéma. Malgré le spectre très large que je tente de couvrir, ma recherche se développe rigoureusement et systématiquement autour de certaines notions philosophiques centrales.

La formule "le style du rêve" exige d'être comprise ici comme une formulation réversible et embrassant deux questions à la fois:

 

1. Est-ce que le rêve a un style (qui lui confère une façon d'être qui est celle d'un rêve)?

 

2. Est-ce que la notion théorique du style lui-même a des propriétés qui sont dépendantes d'une ontologie du rêve?

 

La première est celle du jeu en tant que phénomène esthétique. Elle peut aussi être reversée: Est-ce que le rêve comporte des traits ludiques, c'est-à-dire, est-ce que son déroulement (surtout sur le plan esthétique) a des affinités avec le jeu?

 

Est-ce que le jeu lui-même est un rêve?

 

La contingence est, évidemment, une partie constituante du jeu. Elle entretient des rapports avec le style aussi bien qu'avec le rêve. L'étude des liens entre le style et le rêve (qui ont comme but de révéler la nature esthétique du rêve) se développeront donc en suivant des propositions concernant:

 

Le style du rêve

 

Le style et sa dépendance vis-à-vis la contingence

 

La contingence du jeu

 

Le style comme jeu

 

Le rêve et son rapport avec la contingence et le rêve en tant que jeu esthétique.

 

(Extraits de mon habilitation, EHESS janvier 2000)

 

 

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Introduction to habilitation file of Thorsten Botz-Bornstein

Submitted on Nov. 1, 1999

To the EHESS of Paris

Habilitation à diriger les recherches

Supervisor: H. Wismann. Jury: Jacques Roubaud (EHESS), Anselm Haverkamp (NYU), Françoise Bonardel (Sorbonne Paris 1).

Soutenance : Janvier 2000

 

Introduction : L’aliénation et l’étrangeté dans la modernité

Il y a plusieurs raison de mettre l’étrange, le désir de l’étrange ou la volonté de « rendre les choses étranges » au centre d’un examen philosophique de la modernité. Au début de la modernité, le Formalisme et le Futurisme russe nous présentaient l’ostranenie (l’aliénation) en tant que procède technique conçu pour une utilisation dans le domaine esthétique. Pourtant l’ostranenie parait aussi, surtout rétrospectivement. Douée d’une dimension existentielle, l’étrange ou l’aliéné est l’ « autre » qui détermine, en agissant d’un point de vue situe « nulle part », sur cette façon d’être dont nous disons qu’elle est la nôtre ou simplement qu’elle est normale. En ce sens, l’ « étrange » détermine notre compréhension du présent aussi bien que nos projets d’avenir. L’ « étrange »  constitue une possibilité qu’il nous appartient d’accepter ou de rejeter.

Les questions qui gravitent autour de la notion de l’ « étrange » concernent la modernité (et même son développement dans la sphère de ce que l’on appelle le « postmoderne »). Mais depuis le début de la modernité nous sommes témoins d’une contradiction singulière : d’un cote on assiste à la recherche de la forme étrange, de la forme qui soit différente de l’habituel et du normal, de la forme qui nous choque par son étrangeté. De l’autre cote on se plaint, depuis le début de la modernité, d’un mode de vie qui serait « aliéné » (entfremdet) et qui ferait souffrir les individus par son étrangeté même parce que, comme on le dit, son made de vie ne correspondait plus à une échelle humaine.

Cette contradiction se manifeste surtout aux périodes ou la force et la clarté des concepts modernes sont évidemment affaiblis, c’est-à-dire dans ces périodes qui précèdent ou viennent juste après la modernité. C’est par exemple le gout fin de siècle pour l’étrange qui apparait sous forme d’exotisme dans les intérieurs du 19eme siècle ; ou le désir contemporain qui coure dans les cercles libéraux de la société post-industrielle d’incorporer plus d’étrangers des pays « exotiques » dans une société postindustrielle occidentale apparemment trop homogène.

C’est une des raisons qui expliquent que certaines conceptions de l’ « étrange » qui étaient déjà présentes dans la modernité ont mené, quoique indirectement, à ce que l’on appelle la « situation postmoderne ». La « nouvelle étrangeté » de la prétendue postmodernité est ancienne, quoiqu’un nouvel élément s’y ajoute : dans la « postmodernité » l’étrangeté jouit d’un statut apparemment absolu. L’étrangeté est absolue parce que ce que l’on pourrait appeler la « distance critique » vis-à-vis de l’étrange ne peut plus être atteinte depuis un point de vue normal ou « non-étrange ». En d’autres termes, l’acte de penser la Verfremdung ou l’étrange dans ce qui est « postmoderne » a lieu dans une sphère qui est verfremdet elle-même. Arthur Kroker et David Cook avançaient dans leur livre sur la « culture excrémentiel » leur thèse que ce qu’ils appellent "postmodernité" fleurit particulièrement bien à l’intérieur d’une région qui est déterminée par la « pourriture de l’extase ». Nous devons comprendre cela en ce sens que la pourriture et l’extase ne sont pas plus que les deux manifestations les plus extrêmes de l’étrange.

 

Nous sommes donc dans une position qui a, par sa nature même, dépasse tout projet d’Aufklärung parce que l’Aufklärung est destinée à transformer l’aliénation en une condition « moins étrange, » c’est-à-dire plus humaine et plus raisonnable. Dans la situation dessinée par Kroker et Cook, la critique de l’étrange ne peut être produite que d’un « dedans » d’une condition aliénée. Matei Calinescu écrit donc sur la position que pourrait revendiquer tout « effet d’aliénation »  dans la prétendue postmodernité :

 

Modernism in its avant-garde posture has made us familiar with the device that consists in showing, rather than concealing, the conventions and devices used in constructing a work of art (the Russian Formalists called it by the technical phrase, 'the foregrounding of device'). Brecht's famous 'alienation effect' is one classic example. In postmodernism, however, things tend to work differently. The device continues to show itself for the contrivance it is, but in doing so it also states that everything else is a contrivance too and that there simply is no escape from this. (Calinescu, 1987, p. 303)

 

Ici le Verfremdungseffekt ne se contente pas d’instaurer une distance, mais il entraine, comme le dit Linda Hutcheon, « l’artiste et l’auditoire dans une activité herméneutique participatoire » (Hutcheon, 1989 : p. 35). Cela veut dire que l’« étrangeté » doit être reexperimentee. On superpose donc au formalisme russe – au producteur du Verfremdungseffekt – d’une façon plutôt inattendue, une approche herméneutique. La définition et l’utilisation de l’étrange dans toute culture et caractéristique de cette culture et ceci non seulement dans le domaine de l’esthétique. En général, les variétés de l’étrange correspondent aux différentes conditions psychiques des individus et des civilisations : l’étrange pour être le diffèrent, l’onirique, le cruel, l’exotique, le fantastique ou le grotesque, pour en nommer seulement quelques exemples. De toutes les façons il est important de comprendre que ces caractéristiques concernent une qualité qui constitue un sujet d’intérêt depuis le début de la modernité : la qualité de la forme. La forme est comprise ici en son sens le plus large : non seulement en tant que forme esthétique mais aussi en tant que forme de comportement, aspect formel des actions humaines, ce qui revient finalement à dire, la forme éthique. La forme et les différentes tentatives de dépasser la forme – cette formule embrasse le programme situe au cœur d’un développement qui va du formalisme moderne jusqu’au « life-style » postmoderne. L’étrange joue un rôle prééminent ici qu’il convient d’analyser.

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